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Monday, 6 June 2016

Le vampirisme dans la médecine

Le vampirisme est l’un des mythes universels les plus populaires, en grande partie en raison du caractère macabre, mystérieux et fascinant des vampires. Dans les pays occidentaux, ils sont un thème récurrent de fiction, stimulant l’imaginaire et donnant lieu à de multiples interprétations littéraires et cinématographiques. La croyance aux « vampires » est pourtant ancienne et ubiquitaire [1], [2], [3], [4], [5] and [6]. Dans son Dictionnaire infernal, Collin de Plancy cite l’évêque de Cahors, relatant en 1061 l’étrange histoire du corps d’un chevalier mort excommunié et enterré sans cérémonie, retrouvé à cinq reprises hors de sa tombe (Collin de Plancy, cité par [1]). De même, il a été rapporté dès le XIIe siècle en Angleterre des cas d’empalement et de crémation de cadavres suspects de vampirisme dans les Chroniques du De magis Curialum (1193) de Walter Map et l’Historia Regis Anglicarum (1196) de William de Newburgh [4]. Le vampirisme s’est bien établi à partir du XIVe siècle, en particulier en Europe de l’Est, essentiellement dans les Balkans, en Prusse orientale, en Silésie et en Bohême. Les épidémies de peste ont contribué à accroître la peur des vampires, que l’on rendait responsables de cette maladie. C’est ainsi que a été découvert le 14 mars 2009, sur l’île de Nuovo Lazzaretto à Venise, le squelette d’une femme parmi les corps de victimes de la peste de 1576, dont on suppose qu’elle a été considérée comme un « vampire » par ses contemporains, comme le suggère la brique coincée volontairement entre ses mâchoires, censée l’empêcher de sucer le sang de ses victimes ( Fig. 1) [6] and [7]. Mais le siècle d’or du vampirisme a été indiscutablement le XVIIIe. C’est à cette époque que le terme de vampire a été adopté, à la suite d’événements étranges survenus dans la partie sud de l’Empire austro-hongrois, en ex-Yougoslavie [2] and [8]. L’origine du terme « vampire » est mal connue, mais proviendrait du terme « upir », en référence à un prince cruel et meurtrier mentionné dans un texte russe datant du XIe siècle [2]. Claude Lecouteux a souligné le fait que l’émergence du vampirisme a été contemporaine de la fin de la chasse aux sorcières en Europe [9]. Les vampires auraient ainsi remplacé les sorcières dans l’imaginaire collectif, pour expliquer la cause des épidémies. On identifiait en 1735 près de 22 traités et articles sur la « vampirologie ». Mais rapidement, le scepticisme des médecins interprétant la croyance aux vampires comme une superstition, fruit de l’inculture et à la barbarie de l’est, a progressivement fait oublier leur existence. Les vampires ont connu un regain d’intérêt un siècle plus tard dans la littérature romantique du XIXe siècle qui les décrivait sous les traits de personnages aristocratiques, passionnés, mélancoliques, séducteurs et aux joues creuses, qui tuaient ses victimes tout en leur donnant un certain plaisir. Le vampirisme est présent aussi bien à l’Opéra (I Vampyri, Sylvestro de Palma, 1800) que dans la littérature et le théâtre du XIXe (John Polidori/Lord Byron, The Vampyre, 1819 ; Cyprien Bérard, Lord Ruthwen ou Les Vampires 1820 ; Charles Nodier, Le Vampire, 1820) [10]. Si le Lord Ruthwen du Dr John Polidori constitue le premier vampire « romantique », c’est le personnage du comte Dracula de Transylvanie de Bram Stocker, qui a construit définitivement le mythe du vampire tel que nous le concevons de nos jours [11]. Au XXe siècle, ce mythe s’est propagé dans le monde entier grâce au cinéma, d’abord avec le célèbre Nosferatu de Murnau en 1922, un film important sur les vampires – mais pas le premier film sur le sujet [2] – dans l’histoire du cinéma. Par la suite, les acteurs Béla Lugosi et Christopher Lee ont donné une nouvelle image au vampire [2] and [12]. Depuis le début des années 1990, les vampires sont un objet de fascination chez les adolescents, notamment à travers les films hollywoodiens ainsi que les séries télévisées [5]. Parallèlement, les médecins ont commencé à s’intéresser aux vampires en cherchant à établir un lien potentiel entre certaines maladies et les caractères supposés des vampires. L’objectif de notre travail est de faire le point sur les relations entre médecine et vampirisme, notamment au travers des hypothèses médicales formulées pouvant éclairer l’origine de ces morts-vivants mystérieux qui se nourrissent du sang de leurs victimes.
(a) Le crâne tel qu’il a été découvert sur le site de l’excavation avec la ...
Figure 1. 
(a) Le crâne tel qu’il a été découvert sur le site de l’excavation avec la brique repositionnée dans la bouche ; (b) vue latérale.
Nuzzolese E, Borrini M. Forensic approach to an archaeological casework of “vampire” skeletal remains in Venice: odontological and anthropological prospectus. J Forensic Sci. 2010;55:1634-7. Reproduit avec l’autorisation de John Wiley and Sons.

Le vampirisme « thérapeutique »

Bien que cet aspect soit en marge du sujet de cet article, il nous semble intéressant de rappeler que la déplétion de sang est pratiquée depuis l’Antiquité par les médecins. La place des saignées dans l’arsenal thérapeutique des médecins repose sur la théorie des humeurs et de leur équilibre selon Hippocrate et Galien (sang, phlegme, bile jaune, bile noire), toute maladie étant due à un dérèglement du jeu de ces éléments. Les saignées par phlébotomies, l’hirudothérapie (sangsues) ou les ventouses ont ainsi été utilisées au gré des modes pendant des siècles [13]. Les XVIIe et XVIIIe siècles constituent l’apogée de cette période où les saignées sont appliquées pour petits et grands maux [13]. En France, Broussais se fera le chantre de la phlébotomie et des sangsues, influençant la médecine française, mais aussi au point d’être surnommé par ses adversaires « le vampire de la médecine » ! [14]. Curiosité macabre, Lord Byron, auteur discuté du vampire de John Polidori, décéda de ces mêmes saignées thérapeutiques en 1824.

Portrait-type du vampire

Il n’existe pas de portrait-type du vampire, tant il varie selon les cultures, les époques, et les lieux [3], ou l’influence manifeste des livres et des films (Fig. 2). Ainsi, selon les cultures, le vampire est un être mort ou bien vivant, maléfique ou non, pouvant s’exposer librement au soleil ou non [3]. Dans notre revue, nous nous intéresserons essentiellement au vampire européen. Dans son article publié dans Neurology [15], Juan Gómez-Alonzo a tenté d’établir un portrait-type du vampire : il s’agit dans la grande majorité des cas d’un homme, originaire d’une zone rurale pauvre et reculée. Il exerce son activité principalement la nuit, mais il peut aussi apparaître de jour. Le vampire est incontestablement né des fantasmes en rapport avec le sang. Les vampires se nourrissent du sang des vivants afin d’en extraire une force vitale. Dans le roman Dracula de Bram Stoker paru en 1897, le héros déclare « le sang, c’est la vie ! » ( Fig. 3) [11]. Les vampires ont la capacité de se transformer en animal (chien, chat, loup…) ou de devenir invisibles. Ils se reposent dans leurs tombeaux, d’où ils sortent pour assouvir leurs pulsions sexuelles. Une personne peut devenir un vampire de différentes façons, si elle est attaquée par un vampire, si elle consomme de la chair d’un animal tué par un vampire ou si elle décède de la peste, de la rage ou d’une autre épidémie. Un cadavre peut devenir un vampire lorsqu’il voit son reflet dans un miroir ou si un chien, un chat ou une chauve-souris marche sur le corps avant l’inhumation. Le vampirisme d’un cadavre était suspecté en cas de conservation de l’apparence externe et de retard de putréfaction, d’émission de sang par la bouche ou le nez, d’hypertrophie génitale ou d’émission d’un cri en cas d’insertion d’un pieu dans le corps. Il est intéressant de noter que dans les Balkans le vampire est perçu comme un être pléthorique avec une apparence sanguine [16], bien loin de la vision « anémique » actuelle des séries et des films [5]. Pour lutter contre ces êtres diaboliques, la littérature fait état de chasseurs de vampires chargés de les traquer sans répit. Bram Stoker a créé dans son roman paru en 1897 le personnage célèbre d’Abraham Van Helsing, qui était à la fois médecin et homme de loi [11]. Il était le chef d’un groupe chargé de traquer Dracula jusqu’aux confins des Carpates. Les chasseurs de vampires disposent d’une mallette contenant un attirail destiné à les combattre efficacement : le crucifix pour les faire reculer, les gousses d’ail pour les éloigner, l’eau bénite pour les réduire à l’impuissance et le pieu enfoncé dans le cœur. Ils sont chargés de mettre en place des mesures de protection comme l’application d’ail dans les maisons ou la crémation de résines ou l’enterrement des corps au fond des lacs.
Illustration de chauve-souris monstrueuse, publiée dans le Journal des voyages ...
Figure 2. 
Illustration de chauve-souris monstrueuse, publiée dans le Journal des voyages et des aventures de terre et de mer (Début du XXe siècle, Collection M. Jacques Sirgent, musée des vampires et monstres de l’imaginaire).
Première édition française de Dracula de Bram Stoker (1919, Collection M. ...
Figure 3. 
Première édition française de Dracula de Bram Stoker (1919, Collection M. Jacques Sirgent, musée des vampires et monstres de l’imaginaire).

Hypothèses médicales et vampirisme

Rage

Plusieurs médecins ont émis l’hypothèse d’un lien entre les épidémies de rage et le vampirisme [15], [17] and [18]. Ce rapprochement avec une maladie contagieuse proche de la rage a été envisagé dès la première partie du XVIIIe siècle. Il y a eu d’ailleurs plusieurs épidémies de rage à cette époque en Hongrie. Selon Gómez-Alonso [15], les comportements vampiriques sont proches de ceux observés au cours de l’atteinte rabique du système limbique. En effet, l’hypothalamus, les amygdales et l’hippocampe sont impliqués dans les mécanismes émotionnels et comportementaux. Les signes de la rage sont proches de ceux qu’on trouve dans les récits de personnes mordues par les vampires : perte d’appétit, fatigue, anxiété, troubles du sommeil, inversion du cycle nycthéméral et une douleur au site de la morsure, laquelle ne cicatrise que lentement. Les manifestations de la rage comme l’hypersensibilité à l’air (aérophobie), à l’eau avec l’incapacité à déglutir (hydrophobie), la photophobie et la survenue de spasmes musculaires déclenchés par la moindre stimulation (air, eau, bruit, odeur) et même la vue d’un miroir ressemblent au comportement des vampires ! Gómez-Alonso [15] considère qu’un homme est indemne de la rage s’il est capable de se tenir devant un miroir. Les descriptions anciennes de la rage font état de patients terrorisés, avec de la salive sanglante coulant de la bouche, présentant des spasmes des muscles faciaux et pharyngo-laryngés, les dents serrées et les lèvres rétractées comme chez un animal. Au cours de l’encéphalite rabique, il a été rapporté une inversion du cycle nycthéméral ou une hypersexualité, fréquemment décrites aussi chez les vampires [19] and [20]. Bien que la transmission de la rage ait lieu classiquement après une morsure d’un animal infecté (chien, loup ou chauve-souris), on a décrit exceptionnellement des cas de contamination inter-humaine par morsures [21]. Gómez-Alonso suggère que ces morsures contaminantes peuvent survenir pendant des rapports sexuels [15].
Parmi les animaux pouvant transmettre la rage figure la chauve-souris (rage des chiroptères), animal ô combien emblématique dans l’inconscient populaire du vampire [2] and [22]. Cependant, les chauves-souris sont principalement insectivores ou frugivores. Seules quelques rares espèces de chauves-souris appartenant à la sous-famille des Desmodontinae sont hématophages [2] and [23]. Ces chauves-souris, de petite taille au demeurant, se trouvent uniquement en Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Chili…). De plus, elles ne sont hématophages que par nécessité quand leur nourriture habituelle vient à manquer durant les saisons froides. Ces animaux lèchent le sang de leur proie après leur avoir faire une entaille indolore [23]. L’image de la chauve-souris suceuse de sang, massacrant des cheptels d’animaux n’est qu’une image d’Épinal. Les morsures humaines sont expliquées par l’urbanisation excessive et l’insalubrité, rapprochant les chauves-souris des hommes et exposent alors le sujet à la rage et non à une exsanguination mortelle [22] and [23].

Porphyrie cutanée

En 1985, le biochimiste canadien David Dolphin a obtenu une tribune internationale grâce à un article dans le New York Times [24], après qu’il ait suggéré dans un congrès que les vampires étaient en réalité des individus souffrant de porphyrie, notamment dans sa forme la plus rare, la porphyrie érythropoïétique congénitale ou maladie de Günther. Les symptômes de cette maladie comme la photosensibilité (avec comportement d’adaptation et vie nocturne) et les troubles de la dentition (coloration rouge, mais pas de développement exagéré des canines) rappellent certaines descriptions des vampires. Cependant, Dolphin a été jusqu’à suggérer que ces patients ont un désir insatiable de sang, au point d’ingérer du sang humain, même au sein de leur propre famille. Il a mis en avant le fait que l’ail pourrait induire la production de porphyrines et donc contribuer à de possibles crises, expliquant les croyances folkloriques tournant autour de l’aversion pour l’ail des vampires. Il existe toutefois plusieurs arguments contre cette hypothèse. Les patients porphyriques ne souffrent d’aucune compulsion à la consommation de sang, ce qui en tout état de cause n’aurait aucun effet sur la correction de leur trouble métabolique. La porphyrie érythropoïétique congénitale est par ailleurs extrêmement rare par rapport à la popularité du mythe. Enfin le caractère « bien portant » des vampires s’oppose à l’état clinique du patient porphyrique.

Pellagre

Jeffrey et William Hampl ont rattaché la pellagre au vampirisme [25]. Leur argumentation s’appuie sur la description de Dracula par Bram Stocker. La photosensibilité est un des signes cardinaux de la pellagre (Fig. 4) ; les troubles du comportement et la démence, ainsi que la fétidité de l’haleine ont aussi été mis en avant. En revanche, les diarrhées ne sont jamais mentionnées chez les vampires ; leur alimentation sanguine exclusive s’accommode mal avec ce signe digestif. Enfin, la pellagre non corrigée aboutit au bout de quelques années au décès du patient, ce qui va à l’encontre de l’immortalité supposée des vampires. Jeffrey et William Hampl peinent à convaincre tant leurs raisonnements sont alambiqués, le tout reposant uniquement sur le texte de Bram Stoker, comme si l’image du vampire se limitait à ce livre.
Hyperpigmentation photo-distribuée et peau parcheminée lors d’une pellagre.
Figure 4. 
Hyperpigmentation photo-distribuée et peau parcheminée lors d’une pellagre.

Mort apparente, inhumations prématurées et conservation des corps

Les vampires sont représentés comme des morts-vivants, dormant le jour dans leur cercueil et sortant la nuit. Le retard à la décomposition ainsi que la conservation de l’apparence externe du corps sont considérés comme des signes de vampirisme. Plusieurs hypothèses ont été émises. Il est possible que l’on ait pris pour des vampires les nombreux mendiants qui se réfugiaient dans les cimetières et les caveaux [26]. Certains phénomènes post-mortem tels que les changements de position des corps, peuvent être expliqués par la profanation de corps enfouis peu profondément par des animaux (chien, loup) [8].
La mort apparente avec inhumation prématurée tant redoutée a toujours a attiré l’attention des législateurs et des médecins. Des témoignages de morts apparentes sont rapportés depuis Pline, même si la véracité de certaines observations est douteuse [27]. Les inhumations prématurées d’individus victimes de coma éthylique, d’état « cataleptique », de la peste, du choléra, immortalisées par le tableau du peintre belge Antoine Wiertz (l’Inhumation précipitée, 1854), ont sans doute aussi contribué au mythe du vampire revenant des morts.
La conservation des corps, objet de suspicion, peut s’expliquer par le développement de l’« adipocire » post-mortem. L’adipocire (ou « graisse des cimetières ») a été rapporté pour la première fois au XVIIe par Sir Thomas Browne, mais le terme est attribué à François Fourcroy à la Révolution française [28]. Ce phénomène est responsable d’un aspect cireux et conservé du cadavre. L’adipocire procède d’une saponification qui se développe dans un délai variable, habituellement dans les mois ou l’année qui suivent le décès. Cependant, des cas très précoces dans les jours suivant la mort ont été rapportés dans certaines conditions environnementales favorables (argile, sable, limon, vase ; température chaude ; humidité, vêtements…) [29]. De plus, les corps des sujets corpulents, riches en graisse, sont plus enclins à développer un adipocire [28]. Cela pourrait expliquer le tableau du « gros vampire » rapporté dans les Balkans.

Vampirisme et auto-vampirisme en psychiatrie

Le vampirisme et l’auto-vampirisme sont des phénomènes extrêmement rares en psychiatrie [26], [30], [31], [32], [33], [34] and [35]. Il n’est d’ailleurs pas établi avec certitude s’il a pu exister des cas de « psychose vampirique », c’est-à-dire d’individus présentant un délire psychotique les persuadant qu’ils sont des vampires ou doivent se nourrir de sang frais humain pour survivre [10]. En revanche, le vampirisme apparaît à la lueur de cas observés au XIXe siècle comme une forme de perversion sexuelle où le déviant assouvit ses pulsions par la consommation du sang de ses victimes, en les blessant ou en les tuant. Ces troubles du comportement ont été observés au XIXe et au début du XXe siècle. Plusieurs individus ont fait ainsi la une des faits divers en France, Antoine Léger dans les années 1820 (viol, meurtre, cannibalisme, vampirisme) [10] and [30], le sergent Bertrand dans les années 1847–1849 (le « vampire de Montparnasse ») ; en Allemagne, Peter Kurten (le « Vampire de Düsseldorf ») et Fritz Haarman (le « vampire de Hanovre ») ; aux États-Unis, Albert Fish (cannibalisme) et enfin en Grande-Bretagne, John Haigh (le « acid-bath murderer ») [10] and [32]. Ces individus présentent une intrication de plusieurs troubles : vampirisme, vandalisme de sépultures, exhumation et mutilation de corps, nécrophilie, sadisme, zoophilie, cannibalisme et meurtre [10], [26] and [30].
Tous les auteurs ne s’accordent pas sur la définition du vampirisme, pour certains, il s’agit uniquement d’une pathologie en rapport avec le sang et son ingestion éventuelle, alors que d’autres regroupent, sous ce terme, divers comportements extrêmes cités précédemment et la fascination pour le sang [26] and [32].
Le vampirisme reste extrêmement rare. Il est possible que seuls les cas les plus spectaculaires aient été rapportés, alors que les morsures ou la succion (ecchymoses par succion ou « suçon ») pendant les rapports sexuels ne sont pas pris en compte. Pour Prins, le vampirisme peut exister comme une entité isolée ou être associé à d’autres troubles comme la schizophrénie [34], l’hystérie, des troubles psychotiques sévères et plus récemment des troubles post-traumatiques/troubles dissociatifs [35]. Prins distingue quatre formes de vampirisme [26] :
le vampirisme complet qui comprend l’ingestion de sang, la nécrophilie et le sadisme, et également l’hémolagnie (envie de sang) ;
le vampirisme sans ingestion de sang et qui consiste à obtenir une satisfaction sexuelle en touchant ou en ayant des rapports sexuels avec un cadavre ;
le vampirisme sans implication de la mort ;
l’auto-vampirisme qui comprend les saignements induits ou volontaires avec ingestion du sang et l’auto-hémofétichisme.
Mentionnons enfin dans le cadre de ces troubles psychiatriques associés à la déplétion sanguine, le syndrome de Lasthénie de Ferjol, décrit (et dénommé ainsi) par Jean Bernard en 1967 pour décrire une forme rare de pathomimie, caractérisée par une anémie par carence martiale provoquée par des saignées volontaires et secrètes, affectant le plus souvent des femmes brillantes entre 20 et 40 ans avec une vie affective pauvre [36] and [37].
En conclusion, le vampirisme a donné lieu à de multiples hypothèses « diagnostiques » dont aucune n’est satisfaisante. Il semble d’ailleurs vain d’essayer à tout prix de rattacher une maladie au vampirisme. Comme le mentionne Bane dans la préface de son Encyclopaedia of Vampire Mythology, le point commun reliant toutes les variantes de par le monde du vampire est qu’il incarne les peurs ancestrales de l’homme et des sociétés [3] and [5]. En revanche, il est vraisemblable que les épidémies, certaines maladies rares entraînant des troubles du comportement, combinées à l’obscurantisme et à la méconnaissance des mécanismes de la mort et la putréfaction, ont pu jouer un rôle dans le façonnement du mythe du vampire en Europe. Les vampires doivent être considérés avant tout comme des mythes qui font toujours partie de toutes les cultures et qui exercent une fascination nous faisant à la fois rêver et frissonner. Nés des croyances et des superstitions antiques, les vampires sont le fruit d’un fantasme lié au sang aussi vieux que l’humanité, qui évoque l’existence de créatures sanguinaires prenant la vie d’êtres humains.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Remerciements

Remerciements à Jacques Sirgent, fondateur du musée des vampires et monstres de l’imaginaire, Les Lilas, France.

Références

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    •  | 

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