Saturday, 30 September 2017
Les tricheurs de la science
Publié le 12 septembre 2017 à 07h04 | Mis à jour le 12 septembre 2017 à 07h04
Ils devraient être des modèles de rigueur. Ils ont plutôt truqué leurs... (Photomontage La Presse)
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Les tricheurs de la science
Marie-Claude MalboeufMARIE-CLAUDE MALBOEUF
La Presse
Ils devraient être des modèles de rigueur. Ils ont plutôt truqué leurs résultats, détourné des fonds, menti ou volé des écrits. Depuis cinq ans, près d'une centaine de scientifiques canadiens ont été punis pour malhonnêteté, révèlent des données obtenues par La Presse. Et ils sont de plus en plus nombreux à se faire prendre.
De plus en plus de tricheurs démasqués
Dans chaque bureau de l'hôpital d'Ottawa, les révélations du Dr Paul Hébert déclenchaient un séisme. Le spécialiste des soins intensifs était lui-même sidéré. Et enragé par ce que la responsable de son programme de recherche venait de découvrir.
« Une professionnelle de la santé fraudait, elle fabriquait des données de recherche ! », confie le chercheur, aujourd'hui chef du département de médecine au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) et auteur de travaux qui ont transformé la pratique de la transfusion sanguine.
Dans le cadre de l'étude qu'il faisait à l'époque, l'employée tricheuse devait absolument prélever le sang de patients à des moments précis pour qu'on mesure l'effet d'un traitement. Mais au lieu de remplir sa mission le samedi, comme il le fallait, elle ne s'est jamais présentée à l'hôpital. De retour le lundi, elle a recueilli le sang en douce et écrit la mauvaise date sur les fioles, en espérant brouiller les pistes. Mais ses collègues surveillaient le réfrigérateur.
« On l'a congédiée, mais à l'hôpital, la crise a duré des semaines. Elle a failli ruiner l'étude », explique le Dr Hébert.
Quinze ans plus tard, il se souvient de tout. Entre deux nuits d'insomnie, il a alerté les organisations concernées et repris la collecte de données auprès de 40 patients. Une somme de travail colossale, qui s'est étendue sur un an et lui a coûté 100 000 $.
L'étude a ainsi pu être publiée dans une revue prestigieuse. Mais cela n'empêche pas le spécialiste de frémir en pensant à ce qui aurait pu se produire. « Découvrir la fraude seulement après la publication, ç'aurait été un désastre... »
Il n'en avait encore jamais parlé publiquement.
Des désastres, le médecin sait bien que d'autres universités en connaissent, y compris au Canada, où est survenu l'un des pires scandales.
Du fond de l'Université Memorial, à Terre-Neuve-et-Labrador, le chercheur Ranjit Chandra est devenu une vedette mondiale en publiant des études sur des multivitamines miracles et d'autres au sujet de 700 bébés n'ayant finalement jamais existé. Il les inventait et recopiait des séries de chiffres d'une étude à l'autre.
L'université a enterré l'affaire pendant 12 ans, ignorant de nombreux dénonciateurs et laissant son professeur empocher une fortune - jusqu'à ce qu'il quitte le Canada en douce, en 2002.
À la même époque, le chercheur James Xu est entré dans un laboratoire albertain en pleine nuit pour ajouter une substance dans les éprouvettes, afin que les expériences de son équipe semblent concluantes.
Plus de fraudeurs démasqués
Combien de délinquants sévissent encore au Canada ? Ces cinq dernières années, les universités du pays ont transmis aux autorités fédérales des rapports d'enquête concernant 192 chercheurs, dont 83 ont été jugés malhonnêtes, révèlent de nouvelles données obtenues par La Presse. Leur analyse montre que le nombre de chercheurs sanctionnés annuellement a augmenté de 54 % au cours de cette période.
Treize d'entre eux avaient fabriqué, falsifié ou détruit des données. Les autres avaient menti dans leurs demandes de subvention, détourné des fonds publics, plagié ou bâclé leur travail (détails ci-contre).
Peu de cas rendus publics
À Toronto, Sophie Jamal a berné une très prestigieuse revue médicale. L'endocrinologue avait altéré sa base de données pour faire croire que le fait d'appliquer un onguent avait fait augmenter la densité osseuse de ses patientes à risque d'ostéoporose. Elle a donc perdu son emploi l'an dernier, et perdu à jamais le droit de demander des subventions fédérales.
En 2013, les Américains ont révélé qu'un pathologiste prometteur de l'Université Western Ontario (Hao Wang) avait faussement rapporté avoir réussi une greffe de rein sur deux singes.
La même année, l'Université McGill a obtenu gain de cause contre l'un de ses chercheurs les plus connus - et les plus subventionnés -, Avi Chaudhuri. Le professeur de psychologie avait menti au sujet de 14 voyages en Inde, prétendant s'y rendre pour faire ses recherches, alors qu'il y faisait plutôt rouler une entreprise lui appartenant. Il a été congédié.
De leurs propres aveux, plusieurs scientifiques ne se font jamais prendre. Environ 2% des chercheurs sondés lors d'enquêtes scientifiques admettent avoir déjà falsifié ou fabriqué des données. Et 9% avouent avoir déjà adopté d'autres pratiques discutables.
Les scientifiques détestent parler de ces dérives en public, par crainte que la population n'oublie que 90 % d'entre eux sont rigoureux et honnêtes, et ne condamne injustement la science dans son ensemble.
En privé, par contre, « il y a un besoin criant de se défouler, vous n'avez pas idée ! », constate le professeur Bryn Williams-Jones, qui dirige les programmes de bioéthique à l'UdeM et collabore à une enquête internationale lancée par son ancienne étudiante, Élise Smith.
Le sondage portait sur la signature des études savantes, mais les participants en avaient long à dénoncer. « Ils nous parlent d'abus, de manipulations de données, de harcèlement, de conflit d'intérêts... énumère le bioéthicien. Leurs témoignages font déjà 300 pages ! »
Influence mortelle
« Le manque d'intégrité, c'est hyper dangereux ; les décideurs se basent sur des données scientifiques de toutes sortes dans leur travail », prévient le professeur Williams-Jones.
En santé, il suffit d'un seul délinquant pour causer « d'immenses dégâts », car des millions de médecins se fient aux études pour traiter leurs patients, précise le Dr Hébert.
« La recherche clinique frauduleuse ou mal menée peut tuer. »
Des chercheurs ont accusé deux scientifiques européens d'avoir eu ce genre d'influence mortelle. Le premier (l'anesthésiste Joachim Boldt) prônait l'emploi d'un soluté controversé pour réanimer les patients en insuffisance circulatoire. Le second (le cardiologue Don Poldermans), celui de bêtabloquants lors d'opérations à haut risque. Ces deux pratiques tuaient probablement beaucoup plus de gens qu'elles n'en sauvaient, a-t-on compris trop tard - après avoir découvert, il y a quelques années, que chacun des deux hommes avait publié des données fictives ayant brouillé les cartes.
Des jeunes sont également morts après avoir attrapé la rougeole, parce que leurs parents avaient lu que les faire vacciner risquait de les rendre autistes. Dans sa pseudo-étude portant sur 12 enfants, l'ex-médecin britannique Andrew Wafefield avait pourtant déformé le contenu de chaque dossier médical, sans exception. Et caché le fait qu'un avocat lui avait versé plus de 700 000 $ après lui avoir commandé l'étude pour justifier le dépôt de poursuites judiciaires contre les fabricants de vaccins.
Des millions gaspillés
Chaque année, les scientifiques malhonnêtes privent la société de millions de dollars. « En fraudant, tu gaspilles tes propres fonds de recherche et tu amènes plein d'autres scientifiques à suivre de fausses pistes avec les leurs, dénonce le Dr Hébert. Ça mobilise des ressources rares en pure perte, alors qu'elles auraient pu permettre de vrais progrès. »
Les agences canadiennes tentent de réduire les dégâts en exigeant que les délinquants remboursent les fonds mal utilisés. En cinq ans et demi, elles ont ainsi récupéré près de 0,9 million, soit 80 % des sommes réclamées (et l'équivalent de 0,038 % de leur budget annuel de 2,38 milliards).
Quarante-deux chercheurs se sont par ailleurs retrouvés sur une « liste noire » qui les empêchent de recevoir des subventions - dont sept pour toujours.
D'année en année, le nombre de délinquants sanctionnés augmente. « On accepte maintenant de recevoir les allégations anonymes, précise Susan Zimmerman, directrice du Secrétariat pour la conduite responsable de la recherche, qui assiste les agences subventionnaires. On essaie de faciliter les choses pour encourager les gens à parler. »
Cas de plagiat, de falsification ou de fabrication sanctionnés de 2012 à 2017
39 par le Secrétariat pour le conduite responsable de la recherche (Canada) :
92 par la National Science Foundation (EU)
54 par l'Office for Research Intergrity (EU)
Un premier bilan détaillé
Dès qu'un scientifique soutenu par des fonds fédéraux est soupçonné d'inconduite, les universités sont tenues d'alerter le Groupe et le Secrétariat pour la conduite responsable de la recherche. Elles doivent ensuite leur transmettre leurs rapports d'enquête. C'est la règle depuis décembre 2011, les trois agences subventionnaires fédérales s'étant alors dotées d'une politique commune - une innovation notamment motivée par le scandale survenu à l'Université Memorial. Le Secrétariat aide les agences à faire appliquer les règles et compile les statistiques rapportées dans ce reportage. C'est la toute première fois qu'il livre un bilan détaillé des manquements et des sanctions enregistrées depuis sa création. L'an dernier, les trois agences fédérales ont soutenu 36 000 chercheurs.
Pourquoi frauder ?
Qu'est-ce qui pousse des scientifiques - censés chercher la vérité - à frauder ? Voici ce qu'ont répondu les principaux intéressés.
La compétition féroce
« Dans la position académique que j'occupais, ton estime de toi dépend des subventions obtenues. [...] J'étais sur un tapis roulant et je ne pouvais pas descendre », a déclaré le chercheur en obésité Eric Poehlman lors de son procès criminel couvert par le New York Times.
Sans fonds, un chercheur ne peut ni faire rouler son labo, ni publier, ni être promu. « Et comme les athlètes qui se dopent, certains pensent qu'ils ne peuvent pas réussir sans tricher », analyse l'éthicien Bryn Williams-Jones, de l'Université de Montréal.
« Trop de structures encouragent les comportements nocifs. Des taux de réussite de 12 % lors des demandes de subvention, ça crée une compétition hallucinante, qui favorise les manquements. »
La vanité
« Ce sont la vanité et l'autoglorification qui l'ont motivé. C'était un expert mondial, qui voyageait en première classe pour donner des conférences à travers le monde. » L'éditeur scientifique Steven Shafer a expliqué de cette façon pourquoi l'anesthésiste allemand Joachim Boldt, a pu publier 94 études frauduleuses.
Besoin de pouvoir, d'admiration, arrogance... Dans les sphères hautement compétitives, ces traits narcissiques sont fréquents, d'après la diplômée en psychologie légale Cristy McGoff, que le site RetractionWatch a interrogée au sujet des cas gérés dans son université américaine. « Se percevoir comme étant respecté et omniscient peut amener quelqu'un à pousser le bouchon. »
La maladie
« Certains de ses comportements étaient si illogiques et outrageux qu'il est évident qu'il n'était pas capable de penser rationnellement à l'époque. »
D'après son avocat, c'est la maladie qui a poussé Scott Reuben à frauder. Des épisodes de manie lui ont permis d'abattre un travail insensé, jusqu'à ce qu'il ne parvienne plus à remplir ses engagements et commence à avoir recours à son imagination.
Avide d'attention et devenu inconscient des risques, l'anesthésiste a prétendu avoir enrôlé 200 patients ayant subi un remplacement du genou, alors que son hôpital effectuait très peu d'opérations du genre.
À l'époque du procès, il avait tout perdu - sa femme, son permis de médecin, sa fortune - et emménagé chez ses parents.
La pente glissante
« Il a commencé à tricher un peu, et la tromperie est devenue totalement incontrôlée. » Voici comment le chercheur norvégien Jon Sudbø a fini par inventer 908 patients, selon ce qu'a déclaré son avocat à l'époque.
« Le premier pas sur le chemin de la fraude est probablement franchi en raison d'une peur égoïste », explique la psychologue Jennifer Crocker dans la revue Nature. Tout commence par la crainte d'être mal vu ou « de ne pas obtenir le poste, la subvention ou le prix convoités ». Mais le chercheur se sent mal d'avoir triché et rationalise son geste pour se revaloriser, ce qui rend le prochain pas facile à franchir.
L'obsession des résultats
« Il vaut mieux publier des résultats positifs pour [sa] carrière. C'est de ça qu'il s'agit : gravir les échelons. » Le lanceur d'alarme Peter Wilmshurst a raconté au quotidien Der Spiegel que ses confrères peu scrupuleux ne se font pas prier pour faire des cachettes.
« De nos jours, les journaux et les organismes subventionnaires veulent des résultats positifs », observe le professeur Vincent Larivière, qui détient la Chaire sur les transformations de la communication savante.
« Certains chercheurs vont donc prendre quelques libertés pour obtenir des résultats plus frappants, afin de publier plus facilement dans des journaux mieux cotés et d'être plus cités. C'est bien plus répandu que la fraude. »
L'insécurité extrême
Le professeur de psychologie néerlandais Diederik Stapel, doyen de sa faculté, a inventé les résultats d'innombrables expériences jamais faites. Dans le récit autobiographique de sa chute, publié en 2012, il raconte combien la difficulté d'être publié l'angoissait et évoque son insécurité extrême. « Marquer des points te fait applaudir et un pointage élevé te fait applaudir très fort. Et les forts applaudissements sont formidables, parce qu'ils noient tes doutes au sujet de la valeur de ce que tu fais et de qui tu es. » « Comme un alcoolique ou un héroïnomane, j'ai commencé à utiliser ma dépendance pour tout régler : mauvais résultats, longue périodes sans trouver un effet ou sans publier. »
L'argent
« L'argent est un incitatif très fort, c'est la nature humaine... » Selon l'éthicien Bryn Williams-Jones, l'appât du gain a vraisemblablement motivé plusieurs fraudes scientifiques.
Au Canada, Ranjit Chandra a inventé ses travaux au sujet de vitamines de sa fabrication, censées repousser la démence. D'après la preuve déposée lors de sa poursuite en diffamation contre CBC, il espérait réaliser des ventes de 125 millions.
Après avoir fui en Inde en 2002, l'allergologue est revenu pratiquer la médecine dans la grande région de Toronto. La police a affirmé l'an dernier qu'il en a profité pour frauder la régie de l'assurance maladie ontarienne, avant de repartir en Inde.
Les justiciers de la science
Excédés de voir leur réputation ternie, des scientifiques s'efforcent de démasquer leurs confrères malhonnêtes et de nettoyer la littérature savante. Voici leurs méthodes - si efficaces qu'elles font exploser le nombre d'études discréditées et rayées de la carte.
Mauvais menteurs
Des invraisemblances grossières provoquent parfois la chute de stars de la recherche. Le Norvégien Jon Sudbø avait attribué la même date de naissance à 250 des 908 cancéreux qu'il avait inventés. Et il a prétendu les avoir trouvés dans une base de données qui n'existait pas encore.
Le Canadien Ranjit Chandra a, quant à lui, attribué des scores cognitifs si faibles à ses sujets (censément normaux, mais fictifs) qu'ils semblaient atteints d'un retard mental.
D'autres ont recyclé des séries de chiffres d'une étude à l'autre (dont Chandra et le professeur de psychologie néerlandais Diederik Stapel). Ou rapporté avoir réalisé un sondage en science politique si complexe (l'étudiant américain Michael LaCour) qu'un autre étudiant désireux de reproduire l'expérience a découvert que cela nécessitait un budget insensé.
Anonymat
L'union fait apparemment la force. Depuis 2012, les scientifiques dénoncent les lacunes d'études suspectes sur le site PubPeer, qui leur permet d'échanger avec des confrères du monde entier et, surtout, de le faire de façon anonyme. Cette révolution a délié les langues et généré des commentaires au sujet de 22 000 études.
Après avoir perdu son emploi, un chercheur du Michigan s'est vainement adressé aux tribunaux pour savoir qui avait attaqué ses travaux, disant avoir été diffamé.
L'anonymat est essentiel, affirme en entrevue le fondateur de PubPeer, Brandon Stell, chercheur au CNRS à Paris. « Bien des scientifiques craignent de s'attirer des représailles s'ils critiquent [ouvertement leurs collègues]. »
Fausses images
La popularité de logiciels comme PhotoShop facilite la manipulation d'images - une supercherie qui fausse 4 % des études, d'après les évaluations les plus récentes.
« Des chercheurs réutilisent par exemple la photo d'une expérience faite sur un type de cellules, afin de prétendre qu'elle a fonctionné aussi sur un autre type de cellules », explique au téléphone le journaliste scientifique Ivan Oransky, fondateur site RetractionWatch.
L'ex-étoile montante Anil Potti a même recyclé de vieux scans de poumons pour illustrer les supposés effets de son traitement expérimental contre le cancer.
« Certaines personnes utilisent des logiciels, mais d'autres le font à l'oeil. Elles ont le genre de cerveau qui n'oublie pas les images », constate le fondateur de PubPeer, où les images truquées sont activement dénoncées.
Robots policiers
Comment repérer les leurres subtils au milieu d'un déluge de données ? Un nouveau logiciel identifie les distributions statistiques qui avaient des chances infimes de se produire sans tricher. Après l'avoir mis au point, l'anesthésiste John Carlisle a écrit cet été que des douzaines d'études cliniques publiées dans des revues prestigieuses étaient douteuses.
Depuis un an, un robot informatique baptisé « StatCheck » permet par ailleurs de déceler les erreurs de calcul. Il a ainsi remis en question 50 000 études en psychologie sur PubPeer. Mais ses réprimandes publiques ont été dénoncées, car elles humilient aussi les responsables d'erreurs de bonne foi.
Poids des mots
D'autres chercheurs se sont demandé si leurs confrères malhonnêtes écrivaient différemment lorsqu'ils mentaient. D'après leur analyse, la lecture des études biomédicales frauduleuses est plus ardue, car elles sont plus vagues, plus techniques et contiennent plus de références, mais moins de quantitatifs.
Dans ses études fictives, le professeur de psychologie Diederik Stapel utilisait pour sa part moins d'adjectifs, mais plus de superlatifs et d'amplificateurs (comme « profondément » ou « extrêmement ») que dans ses études authentiques.
Justiciers solitaires
En Europe, le cardiologue britannique Peter Wilmshurst a dénoncé une vingtaine de scientifiques malhonnêtes et survécu aux poursuites engagées pour le faire taire. Avant lui, plusieurs personnes avaient fermé les yeux.
En Chine, le diplômé en biochimie Shimin Fang a attaqué des centaines de délinquants sur son site News Threads. Ce qui lui a valu 10 poursuites, une agression au marteau et un prix de l'organisme Sense about Science. Le gouvernement chinois a censuré son site en 2014.
Aux États-Unis, le chercheur Paul Brookes a dû fermer science-fraud.org en 2013, après six mois d'activités, durant lesquels il avait dénoncé 275 études - convaincu que le faire en privé ne donnerait guère de résultats.
Déluge d'études discréditées
Tous ces efforts ont eu un remarquable effet, provoquant le retrait de milliers d'études discréditées. L'an dernier, 972 articles erronés ou frauduleux ont été rétractés après publication. « En 2000, 30 fois moins d'études avaient connu le même sort », indique en entrevue le journaliste scientifique Ivan Oransky.
Depuis 2010, son site RetractionWatch fait la lumière sur ces événements en insistant sur les cas de fraude et de plagiat, qui sont trois fois plus nombreux que les cas d'erreurs et semblent augmenter.
À lui seul, l'anesthésiste japonais Yoshitaka Fujii a vu 183 de ses études être rétractées : un record. Le rapport d'enquête qui le concerne conclut qu'il fonctionnait « comme s'il rédigeait un roman ».