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Saturday 19 May 2018

Prise en charge officinale des infections urinaires chez la femmePharmacy treatments for urinary tract infections in wom

Actualités Pharmaceutiques Volume 56, Issue 562, January 2017, Pages 39-41 conseil en Author links open overlay panelNicolasClere(Maître de conférences) UFR santé, Département pharmacie, Université d’Angers, 16 boulevard Daviers, 49045 Angers, France https://doi.org/10.1016/j.actpha.2016.11.012 Get rights and content Bénignes mais relativement douloureuses et souvent récidivantes, les infections urinaires font l’objet de nombreuses demandes de conseils pharmaceutiques. Bien que le traitement antibiotique reste la principale stratégie de prise en charge, le pharmacien d’officine dispose d’un large éventail de possibilités thérapeutiques pour proposer un conseil adapté lorsque la situation le justifie. Summary Benign but relatively painful and often recurrent, urinary tract infections are a common reason for people seeking advice from the pharmacy. While antibiotics remain the main treatment strategy, the pharmacist has a wide range of therapeutic options available to them to offer adapted advice where appropriate. Previous article Next article Mots clés aromathérapie cystite homéopathie infection urinaire phytothérapie probiotique Keywords aromatherapy cystitis homeopathy phytotherapy probiotics urinary tract infection Les infections urinaires, couramment appelées “cystites”, sont fréquentes chez les femmes puisqu’environ 50 % d’entre elles en seront victimes au moins une fois dans leur vie. Les infections urinaires simples sont dues à la colonisation bactérienne de la voie génito-urinaire par voie ascendante et surviennent chez des patientes ne présentant pas de facteurs de risque de complications, c’est-à-dire sans terrain particulier ni comorbidité. Elles comprennent les cystites aiguës simples et les pyélonéphrites aiguës simples. Les formes compliquées concernent des personnes chez qui une infection urinaire peut être porteuse d’un risque de complications [1]. S’agissant des bactéries responsables de ces infections, Escherichia coli reste, de loin, la plus souvent identifiée (70 à 95 % des cas), avant Proteus mirabilis (10 %), Klebsiella pneumoniae (10 %) et Staphylococcus saprophyticus (1 à 4 %). Le risque de cystite augmente avec l’activité sexuelle [2], puisqu’il a été montré qu’il est multiplié par 60 dans les 48 heures qui suivent un rapport sexuel [3,4], et s’accroît aussi avec l’âge. Ainsi, la fréquence de survenue connaît deux pics, l’un au début de l’activité sexuelle et l’autre en période post-ménopausique. En revanche, il n’existe pas ou peu de données récentes sur l’incidence des cystites en France. Différents facteurs favorisent la survenue des infections urinaires tels que la grossesse, les troubles du comportement mictionnel (mictions rares, retenues et incomplètes), le diabète déséquilibré et/ou compliqué (neuropathie vésicale) et les anomalies organiques ou fonctionnelles du tractus urinaire. À noter Un pH urinaire trop alcalin peut favoriser la prolifération bactérienne. Dans ce cas, une acidification des urines peut être utile. La consommation d’aliments les acidifiant, comme les protéines animales, les poissons, les œufs ou les féculents, sera conseillée. Celle des aliments alcalinisants, tels que les produits laitiers, les fruits, les légumes ou certaines eaux (de Vichy® par exemple), devra en revanche être limitée. Diagnostic clinique Les signes le plus souvent rencontrés lors d’une infection urinaire aiguë sont les brûlures mictionnelles douloureuses, majoritairement en fin de miction, une pollakiurie, des impériosités et des douleurs hypogastriques. Les formes simples ne sont jamais accompagnées de fièvre ; il convient de s’assurer de l’absence de signes de gravité ou de complication qui traduiraient une évolution défavorable. Le diagnostic clinique doit être complété par un examen cytobactériologique des urines (ECBU) (encadré 1). Encadré 1 Conseils pour le recueil des urines en vue d’un examen cytobactériologique des urines Un examen cytobactériologique des urines (ECBU) repose sur le recueil d’urines normalement stériles, c’est-à-dire non contaminées par la flore commensale de l’urètre et de la région périnéale. Pour ce faire, il est conseillé d’effectuer le prélèvement après avoir éliminé le premier jet, en prenant soin de ne pas toucher le bord supérieur du récipient. Une toilette périnéale soigneuse des organes génitaux externes, en écartant les grandes lèvres, permettra d’éviter les contaminations. Il est important de rappeler que le prélèvement doit impérativement être réalisé avant la mise en place de tout traitement antibiotique. Enfin, les urines ne devront pas être conservées avant l’analyse plus de deux heures à température ambiante et jusqu’à 24 heures à 4 °C. Prise en charge officinale Le principal traitement des infections urinaires repose sur l’antibiothérapie à laquelle pourront être associés des antalgiques (paracétamol) et/ou des antispasmodiques (phloroglucinol) selon les cas. Bien que les antibiotiques soient efficaces, leur consommation reste trop importante, ce qui favorise le développement de résistances bactériennes potentialisant le risque d’échec thérapeutique. C’est pourquoi, des règles d’hygiène associées à des moyens thérapeutiques alternatifs peuvent être conseillées en traitement préventif ou dès l’apparition des premiers symptômes lors des épisodes d’infections urinaires. Pour tenter de limiter le nombre d’épisodes d’infections urinaires, certaines règles hygiéno-diététiques doivent être rappelées aux patientes. Ainsi, il est conseillé de boire au minimum 1,5 litre au cours de la journée sous forme d’eau ou d’infusions. Une consommation répétée de petites quantités d’eau favorise les vidanges de la vessie. Les mictions doivent être régulières, complètes et pas trop espacées ; il convient également d’éviter de se retenir. Par ailleurs, l’hygiène périnéale doit être correcte, sans être excessive : une toilette par jour à l’aide d’un savon doux, à pH neutre, dépourvu d’antiseptiques ou de parfums (Lactacyd® fémina, Rogé Cavaillès® Intime Extra doux, Hydralin® Apaisa…) suffira. En revanche, l’usage du gant de toilette est déconseillé car potentiellement source de contamination bactérienne. Les matières synthétiques augmentant la macération, il est recommandé de privilégier les sous-vêtements en coton. Par ailleurs, il faut s’essuyer d’avant en arrière (et non l’inverse) après être allé aux toilettes afin d’éviter de ramener les bactéries présentes au niveau de l’anus vers le méat urinaire. Enfin, il convient de régulariser le transit intestinal et d’éviter les espaces collectifs qui favorisent la prolifération bactérienne (piscine, sauna, jacuzzi…). La phytothérapie occupe une place non négligeable parmi les stratégies thérapeutiques dont dispose le pharmacien d’officine pour prévenir ou combattre une infection urinaire. La famille des Éricacées regroupe de nombreuses plantes à tropisme urinaire dont trois sont fréquemment utilisées : la busserole, la bruyère et la canneberge. Les feuilles de busserole (Arctostaphylos uva-ursi [Elusanes® Busserole, Arkogélule® Busserole]) sont indiquées comme adjuvant des cures de diurèse dans les infections urinaires bénignes. Enrichie en arbutine (hétéroside phénolique) et en tanins, cette drogue a des propriétés astringente et antiseptique bactériostatique urinaire (uniquement retrouvées pour des valeurs de pH des urines égales à 8). Quelques cas de nausées et vomissements ont été rapportés. Par ailleurs, son utilisation est contre-indiquée chez la femme enceinte (effet ocytocique) ou allaitante, chez l’enfant de moins de 12 ans et en cas d’insuffisance rénale. Les bruyères communes (Calluna vulgaris) et cendrée (Erica cinerea) renferment dans leurs sommités fleuries des pro-anthocyanidols et des flavonoïdes qui possèdent des propriétés antispasmodiques, diurétiques et antimicrobiennes (Elusanes® Bruyère, Arkogélule® Bruyère). Ces dernières sont mises à contribution afin de traiter les formes mineures d’infections urinaires, éventuellement en association avec la busserole. Les baies de canneberge (Vaccinium macrocarpon) sont utilisées sous forme fraîche ou séchée, mais aussi sous celle de jus de fruits frais ou déshydraté. En France, la canneberge (Cys-control®, Gyndelta®, Urell®…) est indiquée dans la prévention des infections urinaires à E. coli en raison de la présence de pro-anthocyanidines de type A. Une dose journalière de 36 mg de pro-anthocyanidines de type A (tanins condensés) est nécessaire pour observer un effet antiseptique urinaire. Elle correspond à un équivalent de 20 à 50 g de fruits frais, 300 à 600 mL de jus ou 300 à 400 mg d’extrait standardisé. Bien que la canneberge n’entraîne aucun effet indésirable grave, il convient d’éviter son association avec la warfarine en raison d’un risque d’augmentation de l’International normalized ratio (INR), donc du risque hémorragique. Les huiles essentielles (HE) peuvent être proposées afin de traiter les infections urinaires féminines mineures. Quelques molécules présentent des propriétés antimicrobiennes particulièrement recherchées : les phénols (HE de Thym à thymol, d’Origan, de Sarriette), l’aldéhyde cinnamique (HE de Cannelle), les monoterpénols (HE de Tea tree et de Palmarosa), les sesquiterpénols (HE de Santa) et les esters aromatiques (HE de Gaulthérie). Il est important de rappeler la toxicité, en cas d’usage externe, des HE contenant des phénols, ce qui rend nécessaire leur dilution dans un corps gras et leur utilisation en petites quantités. En usage interne, les phénols aromatiques ne doivent pas être utilisés au long cours et doivent être associés à des HE hépatoprotectrices telles que le Citron (Citrus limonum) ou le Romarin (Rosmarinus officinalis). Enfin, comme pour toutes les HE, des précautions doivent être respectées : pas de délivrance chez la femme enceinte ou allaitante, l’enfant de moins de 7 ans, le patient asthmatique ou épileptique, en cas d’allergies ou d’intolérance aux HE et de risque d’associations. Diverses souches homéopathiques unitaires peuvent être proposées dans les formes mineures non compliquées si les symptômes sont particulièrement gênants. Ainsi, en cas de brûlures violentes avant, pendant et après les mictions, associées à une fréquence de ces dernières et une faible quantité, la souche Cantharis vesicatoria peut être proposée. Si les brûlures sont plus violentes et les urines peu abondantes, Mercurius corrosivus doit être privilégiée. Terebenthina peut être utilisée lorsque les urines sont très foncées, plus ou moins sanguinolantes, avec une sensation de brûlures lors de la miction. Enfin, en cas de douleurs faibles avec des urines troubles et malodorantes, Formica rufa est conseillée. Chez la femme enceinte, en cas de cystite infectieuse, Cantharis 9 CH et Mercurius corrosivus 9 CH (cinq granules de chaque) sont proposées en alternance selon l’amélioration des signes cliniques. En cas de cystite non infectieuse, Staphysagria 9 CH est adaptée (cinq granules quatre fois par jour). Intérêt des probiotiques Différentes espèces bactériennes colonisent la flore vaginale saine, laquelle a, en situation normale, la particularité d’être majoritairement constituée de lactobacilles qui assurent l’autodéfense du vagin contre les infections. C’est pourquoi restaurer et/ou maintenir la bonne qualité de la flore vaginale par l’apport de certains probiotiques peut limiter la survenue et la répétition des infections urinaires. Les probiotiques agissent en rééquilibrant les flores de l’organisme, constituant une barrière de protection contre les germes pathogènes, contribuant au développement et au bon fonctionnement du système immunitaire, ainsi qu’au maintien de la santé vaginale. Différentes études ont montré qu’en cas d’infections urinaires récidivantes, des modifications de la flore vaginale étaient observées, en particulier une augmentation des taux de colonisation par E. coli et une diminution des lactobacilles producteurs de peroxyde d’hydrogène antiseptique au moment de l’infection [5]. Parmi les lactobacilles utiles en cas d’infections urinaires,Lactobacillus crispatus présente un intérêt en tant que producteur de peroxyde d’hydrogène. Par ailleurs, il se fixe relativement facilement à la paroi vaginale et empêche l’adhérence des pathogènes aux cellules de la muqueuse, permettant ainsi de réduire l’incidence des infections urinaires récidivantes. Lactobacillus acidophilus est connupour sa grande capacité à produire de l’acide lactique qui contribue au maintien d’un pH acide au niveau du vagin. Enfin, les souches de L. rhamnosus et L. reuteri (Granion Réducys®, Gynophillus® pour L. rhamnosus ; Femibion® intime, Florgynal® tampon probiotique pour l’association L. rhamnosus et L. reuteri) possèdent une activité complémentaire contre les bactéries pathogènes mais aussi contre Candida albicans. Les probiotiques peuvent être utilisés à tout âge, pendant la grossesse et l’allaitement et en association avec les médicaments. Ils le sont en application vaginale (ovules ou gélules) ou par voie orale, cas dans lequel la prise s’effectue au moment des repas avec une alimentation solide et pas trop chaude afin qu’ils ne soient pas dégradés. Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] F. Bruyère, J.P. Boiteux Épidémiologie, diagnostic et traitement des cystites aiguës isolées ou récidivantes de l’adulte Urologie (2011) 18-221-A-10 [2] D. Scholes, T.M. Hooton, P.L. Roberts, et al. Risk factors for recurrent urinary tract infection in young women J Infect Dis, 182 (2000), pp. 1177-1182 CrossRefView Record in Scopus [3] L.E. Nicolle, G.K. Harding, J. Preiksaitis, et al. The association of urinary tract infection with sexual intercourse J Infect Dis, 146 (1982), pp. 574-583 [4] B.L. Strom, M. Collins, S.L. West, et al. Sexual activity, contraceptive use, and other risk factors for symptomatic and asymptomatic bacteriuria: a case-control study Ann Intern Med, 107 (1987), pp. 816-823 CrossRefView Record in Scopus [5] A.E. Stapleton, M. Au-Yeung, T.M. Hooton, et al. Randomized, placebo-controlled phase 2 trial of a Lactobacillus crispatus probiotic given intravaginally for prevention of recurrent urinary tract infection Clin Infest Dis, 52 (2011), pp. 1212-1217 CrossRefView Record in Scopus © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.