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Sunday 11 October 2015

Five years after the adoption of a French law banning the Muslim full veil in public in France, the newspaper Le Monde evaluates the results and concludes that it was a total failure

English summary: Five years after the adoption of a French law banning the Muslim full veil in public in France, the newspaper Le Monde evaluates the results and concludes that it was a total failure, to the point where some women who weren’t wearing the veil before the law are wearing it now (“We have created the monster we wanted to avoid”). A rich Muslim Frenchman paid the fines of 973  women who were found guilty under the law, policemen think it is a waste of time that causes trouble with Muslim communities – even some riots – and many of the women who wear the veil are converts, some of whom wear it over their husband’s objections.
Résumé: Cinq ans après l’adoption de la loi française banissant le voile intégral en public, le journal Le Monde fait le bilan. Résultat: Échec total, la loi aurait même amené des femmes à porter le voile intégral alors qu’elles ne le portaient pas auparavant (“On a créé le monstre qu’on voulait éviter”). Un Musulman français riche a payé les amendes de 973 femmes qui ont reçu des contraventions, les policiers pensent que c’est une perte de temps qui cause des troubles – parfois des émeutes – dans les communautés musulmanes, et plusieurs des femmes qui portent le voile intégral sont des converties qui l’adoptent même quand leur mari n’est pas d’accord.

http://www.lemonde.fr/religions/article/2015/10/10/loi-sur-le-voile-integral-on-a-cree-le-monstre-qu-on-voulait-eviter_4786934_1653130.html

Loi sur le voile intégral : « On a créé le monstre qu’on voulait éviter »

LE MONDE | 10.10.2015 |  Par  Julia Pascual

( . . . ) Dimanche 11 octobre, la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public aura cinq ans. Cinq ans que le port du voile intégral est passible d’une contravention de 150 euros. Qui n’a pas réussi à décourager ce signe d’appartenance à un islam radical. Vendredi 9 octobre, Rachid Nekkaz, un homme d’affaires algérien, est allé régler de sa poche la contravention d’une de ces femmes. La 973e. C’est la manière qu’a trouvée ce bon communiquant pour lutter contre une loi qu’il juge liberticide. Il dit l’avoir « neutralisée » avec ses deniers. L’amende de vendredi avait été infligée à Stéphanie L., une convertie verbalisée devant l’école de ses enfants, à Nice. « C’est sa 11e amende », relève M. Nekkaz.

Régulièrement, le gouvernement se voit reprocher la mauvaise application de ce texte promulgué par Nicolas Sarkozy. En juin, sur France Inter, Henri Guaino jugeait ainsi que la loi n’était « pas appliquée » ( . . . ) Au ministère de l’intérieur, on démontre le contraire : il y a eu 332 verbalisations en 2012, 383 en 2013, 397 en 2014 et 200 sur les neuf premiers mois de 2015. Des chiffres stables mais faibles. Plusieurs verbalisations renvoyant parfois à une même personne « multirécidiviste » : une femme a par exemple été contrôlée à 33 reprises.

Pourquoi si peu de verbalisations ? « Depuis le début, nous avons dit que ce serait difficile à appliquer, fait valoir Nicolas Comte, porte-parole du syndicat Unité SGP Police FO ( . . . ) . Mes collègues y réfléchissent à deux fois avant de se mettre dans des situations compliquées dans certains quartiers ( .  . . ) En de très rares occasions, la situation a pu dégénérer, comme à Trappes (Yvelines) où, en 2013, un contrôle d’identité mouvementé sur une femme intégralement voilée avait entraîné trois jours de violences urbaines.

Plus fondamentalement, le phénomène reste marginal. « Le voile intégral est une réalité microscopique, appuie Mohamed-Ali Adraoui, auteur de Du Golfe aux banlieues ( . . . ) A Paris, dans la rue Jean-Pierre Timbaud, connue pour ses librairies musulmanes et ses magasins de vêtements, on ne dit pas autre chose. Shainez travaille dans une boutique et vend « quelques » niqabs (qui ne laissent voir que les yeux) par semaine. Dans une autre enseigne, Mouni Lakehal parle « d’une vente chaque mois ». Ce qui ne manque pas d’énerver cette Algérienne de 60 ans : « Celles qui portent le niqab, c’est du show-off [de la frime] », lâche-t-elle.

Une critique que réfute Samira (le prénom a été modifié), qui fait justement des achats dans la rue et porte un niqab « parce qu’[elle se] sen[t] bien et qu’[elle] devien[t] [elle]-même ». La jeune femme de 28 ans dit avoir « cherché à [se] rapprocher du meilleur comportement, celui du prophète et de ses femmes ». Elle est issue d’une « famille musulmane pas ultra-pratiquante » et son mari était opposé au voile intégral. Samira porte le niqab depuis « environ trois ans » et dit avoir essuyé de nombreuses insultes dans la rue ( . . . )

C’est aussi le cas de Leila ( .  . .  ), trentenaire célibataire de Vaulx-en-Velin (Rhône), qui décrit une vingtaine de contrôles d’identité et une seule verbalisation : « Je lève mon voile directement, les agents apprécient. Cela se passe très bien. » Leila, issue comme Samira d’une famille musulmane « pas forcément très pratiquante », raconte avoir troqué le voile pour le niqab au moment du vote de la loi : « C’est ma façon de lutter, de dire non au gouvernement qui me retire ma liberté. » D’après Agnès de Féo, sociologue et réalisatrice de documentaires ( . . . ), la loi a « agi comme un déclencheur et suscité des vocations » ( . . . )  Cette analyse met à mal l’idée selon laquelle les femmes qui portent le niqab subiraient la mainmise d’un homme. On retrouve au contraire beaucoup de profils de femmes célibataires, divorcées ou agissant contre l’avis de leur mari et, dans tous les cas, revendiquant leur libre arbitre.

La sociologue évoque enfin une recherche « plus identitaire, qui est rarement suivie d’un investissement religieux profond ». En témoigne le nombre important de converties parmi les femmes qui revêtent le niqab. « Le battage médiatique autour de la loi a permis à certaines de découvrir un moyen de revendiquer une islamité valorisante à travers les codes salafistes, poursuit Agnès de Féo. C’est un renversement du stigmate. On les a nourries d’exclusion, on a projeté sur elles nos propres fantasmes, on a créé le monstre qu’on voulait éviter